Par Ridha ZAHROUNI*
J’avoue que je ne suis pas un grand amateur des séries dramatiques, notamment celles d’origine tunisienne. Pour la simple raison que l’observation attentive de tous les aspects de notre vie quotidienne est plus que suffisante pour prendre conscience de notre réalité à la fois stressante, inquiétante et décevante à plus d’un titre. Juste après la diffusion du premier épisode de la série dramatique «El Fallouja», une avalanche de réactions, incroyablement agressives, s’est manifestée, ciblant, de mon point de vue, le propriétaire de la chaîne plus que le contenu de la série car, au moins d’être devin, on ne peut apprécier la qualité d’une production artistique, qu’une fois on l’a suivie jusqu’à, son achèvement. Les raisons évoquées par les contestataires sont unanimes à mettre en avant l’atteinte à l’intégrité des enseignants, à la considération de l’école, à la morale au sein de notre société et aux préjudices qui lui sont portés, à l’avilissement des mentalités de nos jeunes, etc. Juges à la retraite, avocats, ministres, syndicalistes, comédiens, citoyens ordinaires, chacun a bien affûté ses arguments, et tous ont exigé l’arrêt immédiat de la diffusion de la série ou la reprogrammation de sa diffusion.
Personnellement, j’ai regardé des centaines et des centaines de fictions sur des chaînes étrangères, toutes, quand elles traitent des phénomènes sociaux nocifs, elles exagèrent la réalité, jamais elles n’exposent les bons côtés de la vie pour tenter de séduire le téléspectateur. Aucune censure n’est réclamée, sauf lorsqu’il s’agit d’alerter les parents au sujet de leur accord préalable. Tous les sujets sont portés à l’écran: corruption, crime organisé, trafic de drogue, violence, harcèlement, viol, pédophilie et aucun thème n’est interdit et aucune profession n’est épargnée, instituteurs, élèves, police, juges, politiciens, religieux, pour ne citer que ceux-là.
Sur un paquet de cigarettes on n’a pas choisi de coller la silhouette d’un athlète bien portant pour encourager les fumeurs à bannir la cigarette, mais des poumons pourris par l’effet ravageur du tabac. Et quand on veut sensibiliser les conducteurs aux dangers de la route, on ne photographie pas un père de famille qui retrouve le bonheur en rentrant chez lui avec sa voiture saint et sauf et après un long parcours, on met en scène les drames et les dégâts que peuvent causer les accidents de la route. Alors pourquoi devrions nous avoir peur de voir notre réalité quand elle est diffusée par une chaîne de télé même si celle-ci nous semble attiger ou bluffer la réalité, qui parfois, et dans certains de ses aspects, dépasse la fiction.
Je finis mon propos par me poser la question sur ce que devrait être la réponse des précurseurs partis très tôt pour pêcher le scandale en eau trouble, ceux qui se sont soulevés contre la diffusion de la série, avant même la fin de la diffusion de son premier épisode, aussi par ceux qui ne l’ont pas regardé, à mon avis. Je parle bien évidemment de ceux qui ont intenté un procès pour mettre fin à la diffusion de la série, celui qui s’est converti en réalisateur, scénariste et spécialiste dans le domaine artistique et enfin, celui qui à fait de l’événement une affaire d’État et d’intérêt national. Ne pensez-vous pas qu’ils ont tous accouché d’une souris, puisque la série a été diffusée jusqu’à son ultime épisode et, de surcroît, elle a conquis une bonne partie de ceux et celles qui l’ont suivie, sans s’ennuyer ni se sentir agressés, et pendant les trois premières semaines de Ramadan.
R.Z.